Douane Déforestation

Règlement Européen zéro déforestation : un engagement pour la durabilité (et de la compliance en plus)

03 octobre 2024
9 min

Pour répondre aux défis du changement climatique et de la perte de biodiversité, l’Union européenne a adopté le Règlement (UE) 2023/1115. Ce règlement, aussi appelé règlement déforestation, interdit la mise sur le marché de l’UE et l’exportation de produits liés à la déforestation ou à la dégradation des forêts. La traçabilité et la transparence sont au cœur de cette initiative, avec l’objectif de rendre les chaînes d’approvisionnement plus durables.

Présentation du Règlement contre la déforestation (RDUE)

Le Règlement Européen zéro déforestation (RDUE) vise à interdire la commercialisation, dans l’UE, de produits issus de terres ayant subi une déforestation après le 31 décembre 2020. Ce règlement renforce le cadre juridique européen en matière de protection des forêts et impose des critères stricts de zéro déforestation.

Les objectifs du RDUE

L’objectif principal du règlement déforestation est de réduire la déforestation et la dégradation des forêts. En exigeant que les produits commercialisés ou exportés depuis l’UE respectent les critères de durabilité, il contribue à la préservation des forêts et à la protection de la biodiversité.

Les obligations des entreprises

Pour se conformer au Règlement Européen zéro déforestation, les entreprises doivent s’assurer que les produits qu’elles mettent sur le marché respectent trois critères clés :

  • Zéro déforestation : Les produits en cause qui contiennent des produits de base en cause doivent avoir été produits sur des terres n’ayant pas fait l’objet d’activités de déforestation après le 31 décembre 2020, ou qui ont été nourris avec de tels produits ou fabriqués à partir de tels produits.

Pour les produits en cause contenant du bois ou fabriqués à partir du bois, les produits « zéro déforestation » sont définis comme ceux dont le bois a été récolté sans causer de dégradation des forêts après le 31 décembre 2020.

  • Respect de la législation du pays de production : Cette notion renvoie aux lois applicables dans le pays de productions, qui englobent le statut juridique de la zone de production à savoir :
    • les droits d’utilisation des terres
    • la protection de l’environnement
    • les règles relatives aux forêts, y compris la gestion des forêts et la conservation de la biodiversité, lorsqu’elles sont en lien direct avec la récolte du bois
    • les droits de tiers
    • les droits du travail
    • les droits de l’homme protégés par le droit international
    • le principe du consentement libre, préalable et éclairé des populations autochtones
    • les réglementations dans les domaines de la fiscalité, de la lutte contre la corruption, du commerce et des douanes.
  • Déclaration de diligence raisonnée : Les entreprises doivent établir un système de diligence raisonnée pour garantir que les produits importés ou exportés respectent le critère de zéro déforestation et les réglementations locales.

Qu’est-ce que la diligence raisonnée ?

Le système de diligence raisonnée est une procédure obligatoire qui doit être mise en place par les entreprises soumises au règlement déforestation. Il vise à vérifier que les produits sont conformes aux critères de zéro déforestation. Cette mesure doit être appliquée au moins une fois par an. Ce processus comporte trois étapes principales :

Etape 1

Recueil d’informations et de données pour attester de la conformité des produits en causes (preuve du caractère “zéro déforestation” du produit et de sa conformité à la législation pertinente, la description du produit, la quantité, les pays et/ou zones de production, la période et date de production, les fournisseurs, la géolocalisation des parcelles de production.) Ces informations doivent être gardées pendant 5 ans.

Lors de cette étape, la diligence raisonnée permet la dispense des étapes d’évaluation du risque et d’atténuation du risque.

Etape 2

Evaluation du risque sur la base des éléments collectés : niveau du risque du pays (faible, standard, élevé), présence de forêts, de des populations autochtones, l’ampleur de la déforestation, complexité de la chaîne d’approvisionnement, risque de mélange avec des produits d’origine inconnue, risque de contournement du règlement.

Lors de cette étape 2, si constatation d’un risque nul ou négligeable, les produits concernés pourront être importés ou exportés

Etape 3

Atténuation du risque pour les produits pour lesquels il existe un risque : données supplémentaires, enquêtes et audits, mise en place de stratégies, contrôles et procédures.

Si constatation d’un risque nul ou négligeable à l’issue de l’étape 3, les produits concernés pourront être importés et exportés dans l’UE.

A défaut, les produits sont interdits à l’importation ou à l’exportation.

Si les produits concernés sont conformes à l’issue de ces étapes, les opérateurs et commerçants devront déposer les déclarations de diligence raisonnée (« Due Diligence Statements – DDS ») dans le système d’information TRACES NT qui centralisera l’ensemble des déclarations.

Les opérateurs et les commerçants disposent de la faculté de désigner un mandataire qui sera en charge de déposer en leur noms les déclarations de diligence raisonnée.

Une fois la déclaration de diligence raisonnée déposée, un numéro de références lui sera attribué et qui devra être reporté sur la déclaration en douane des produits concernés.

Les opérateurs et commerçants devront procéder à un réexamen de leur système de diligence raisonnée au moins une fois par an.

La Commission européenne devra établir une liste des pays et régions selon trois catégories de risque : faible, standard et élevé. Cette liste doit être publiée au plus tard le 30 décembre 2024.

Les produits concernés par le Règlement Européen zéro déforestation

Le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts s’applique aux :

  • « Produits de base en cause » : bovins, cacao, café, palmier à huile, caoutchouc, soja et bois.
  • « Produits en cause » qui contiennent les produits de base en cause, ou qui ont été nourris ou fabriqués à partir de ces derniers. Il s’agit de produits dérivés tels que le cuir, graisse de cacao, huile de soja, alcools gras industriels notamment.

Le règlement est susceptible de faire l’objet d’un réexamen par la Commission européenne afin de l’étendre à d’autres produits de bases selon le calendrier suivant :

Au plus tard le 30 juin 2025 : une possible extension à d’autres écosystèmes naturels, autres produits de bases (maïs et biocarburants) et aux acteurs financiers (banques qui financeraient des activités contribuant à la déforestation).

Si ce règlement impacte plusieurs secteurs économiques liées aux produits de bases associés à la déforestation, il impacte également plusieurs secteurs de manière indirecte tels que les :

  • Secteurs des alcools : le bois pour les caisses et les tonneaux de vieillissement, les arômes et l’alcoolats à base de cacao et de café intégrés dans les spiritueux.
  • Secteurs des biocarburants : l’huile de palme et le soja sont utilisés dans la production de biocarburant.
  • Industries cosmétiques et pharmaceutiques : pour les huiles de palme, du soja utilisé dans de nombreux produits (crèmes, lotions et médicaments).
  • Industries du textile : pour l’utilisation de produits dérivés du soja (comme le cuir végétal, du caoutchouc (pour les chaussures) ou le cuir de bovins.
Produits de base en cause Codes douaniers des produits en cause
Bovins 0102 21, 0102 29 ex 0201, ex 0202, ex 0206 10, ex 0206 22, ex 0206 29 ex 1602 50 ex 4101, ex 4104, ex 4107
Cacao1801, 1802, 1803,1804, 1805, 1806
Café 0901
Palmier à huile 1207 10 1511, 1513 21, 1513 29 2306 60 ex 2905 45, 2915 70, 2915 90 3823 11, 3823 12, 3823 19, 3823 70
Caoutchouc 4001, ex 4005, ex 4006, ex 4007, ex 4008, ex 4010, ex 4011, ex 4012, ex 4013, ex 4015, ex 4016, ex 4017
Soja 1201, 1208 10 1507 2304
Bois4401 à 4421 ex 49 ex 9401 9403 30, 9403 40, 9403 50, 9403 60, 9403 91 940610

Les opérateurs concernées

Le règlement s’applique aux :

  • « Opérateurs » qui dans le cadre d’une activité commerciale, mettent des produits en cause sur le marché pour la première fois ou les exportent.
  • « Commerçants » – i.e. toute personne faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que les opérateurs – qui, dans le cadre d’une activité commerciale, mettent des produits en cause à disposition sur le marché.

La notion de mise à disposition sur le marché est large puisqu’elle englobe toute fourniture d’un produit en cause destiné à être distribué, consommé ou utilisé sur le marché de l’UE dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit.

Les sanctions en cas de non-conformité

Les contrôles seront effectués par les autorités compétentes de chaque Etat membre de l’UE. Les contrôles annuels effectués devront couvrir au moins :

1% des opérateurs dont les produits viennent de pays ou parties de pays à risque faible
3% des opérateurs dont les produits viennent de pays ou parties de pays à risque standard
9% des opérateurs dont les produits viennent de pays ou parties de pays à risque élevé ainsi que 9% de la quantité de chacun des produits en cause contenant des produits de base en cause ou fabriqués à partir de tels produits.
Le sujet est donc loin d’être théorique. Il est fort probable que les importations constituent le vivier de base de données des autorités de contrôle, par de simples tris et recherches basés sur les codes de nomenclature et pays d’origine. Ainsi, les opérateurs, et particulièrement ceux qui acquièrent ou vendent de larges quantités de produits (de base) en cause doivent s’assurer d’être organisés et prêts à la conformité avec ces nouvelles exigences dès le 30 décembre 2024.

Le règlement prévoit plusieurs types de sanctions :

  • Mesures provisoires immédiates : saisie des produits, suspension de leur mise sur le marché ou de leur exportation.
  • Mesures correctives en cas de non-conformité : empêcher la mise sur le marché ou la mise à disposition sur le marché ou l’exportation du produit en cause, retirer ou rappeler immédiatement le produit en cause.
  • Amende pouvant représenter jusqu’à 4 % du CA annuel dans toute l’UE.
  • Confiscation des produits et des revenus tirés par l’opérateur et le commerçant.
  • Interdiction temporaire de mise sur le marché ou de mise à disposition ou d’exportation des produits en cause en cas d’infractions graves et répétées.

Les dates à retenir pour le RDUE

Le règlement est entré en vigueur le 29 juin 2023. Cependant, les principales obligations, pesant sur les opérateurs et les commerçants mentionnées dans cet article, s’appliqueront à partir du 30 décembre 2024 (à partir du 30 juin 2025 pour les microentreprises et les petites entreprises).

En réponse aux demandes des opérateurs et commerçants, la Commission européenne a publié, le 2 octobre 2024, une proposition (COM(2024) 452 final) visant à modifier le règlement zéro-déforestation en ce qui concerne les dispositions relatives à sa date d’application.
Sous réserve de l’approbation du Parlement européen et du Conseil, ce règlement entrerait en vigueur le 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et le 30 juin 2026 pour les micro et petites entreprises. Ce report de 12 mois vise à offrir plus de temps aux opérateurs, commerçants et autorités compétentes pour se préparer aux obligations de conformité liées à la lutte contre la déforestation.

Les opérateurs et les commerçants devront intégrer rapidement un système de diligence raisonnée dans leurs process internes afin de veiller à ce que les produits concernés qu’ils mettent sur le marché de l’UE ou exportent à partir de l’UE répondent aux exigences du règlement en matière de « zéro déforestation » et respectent la législation pertinente du pays de production.

Nos experts et spécialistes douanes sont à votre disposition pour vous accompagner dans l’enregistrement sur la plateforme TRACES NT, ainsi que pour la mise en place du système de diligence raisonnée. Nous vous aidons à définir des processus internes standardisés et sécurisés, facilitant la collecte d’informations et les contrôles nécessaires.

Au sein de votre organisation, qu’il s’agisse d’une PME ou d’une grande entreprise, qui sera chargé de gérer ces démarches ? Où seront conservées les données dans votre système d’information ? Quel sera le déclencheur pour lancer les formalités nécessaires sur un produit concerné ? Comment identifierez-vous, dans votre Master Data, les produits nécessitant une attention particulière ?

Vous êtes un représentant en douane ou une société non-UE ?

Contactez-nous

D’autres sujets qui pourraient vous intéresser